La poupée de Noël

La vie est tellement étrange parfois et cette histoire rapportée par une femme anonyme nous conforte encore plus dans cette conviction…

« C’est Noël, encore une fois… Depuis quelques années maintenant, j’ai de plus en plus de mal avec la période des fêtes. Elle est devenue trop commerciale et je n’ai qu’une seule envie, c’est de me coucher le temps que tout revienne à la normal. Mais je ne peux pas vraiment avec mes deux petits chenapans qui réclament à cor et à cri leurs cadeaux de Noël. Ni une, ni deux, je décide de prendre mon courage à deux mains et d’aller leur acheter dans un centre commercial gigantesque ce qu’ils veulent.

Comme prévu, c’est la cohue et tout le monde s’exprime bruyamment, s’énerve contre les conseillers du magasin : bref, une ambiance stressante et pas vraiment festive. Je rouspète pour la forme puis me fraye un chemin pour arriver aux rayons jouets. Alors que je suis en train d’hésiter entre Barbie infirmière et Barbie princesse, j’aperçois à deux ou trois pas de moi un petit garçon d’environ 5 ans qui regarde avec adoration une magnifique petite poupée. Elle a une robe rouge, ses cheveux sont blonds platines et elle a de grands yeux bleu porcelaine. Il est accompagné d’une femme très affairée et sous pression à cause de l’ambiance enfiévrée du magasin. Le garçonnet tire sur l’ourlet de sa veste et lui dit : Tantine, tu es sûre que je n’ai pas assez d’argent pour acheter la jolie poupée ? » La jeune femme lève les yeux au ciel et répond exaspérée : « Oui, sûre et certaine… Bon, tu ne bouges pas d’ici, je reviens tout de suite ».

Ni une, ni deux, elle le laisse planté au milieu de l’allée et part en direction des caisses. Je m’approche doucement du garçon et lui demande  » Pour qui veux-tu acheter la jolie poupée ? » L’enfant se tourne vers moi et dit  » pour ma petite sœur, c’est celle qu’elle voulait depuis des mois. D’ailleurs, elle a demandé au Père Noël de la lui offrir ». Je réponds doucement  » C’est peut-être le cas, il va forcément la glisser sous le sapin ». Je remarque que ses lèvres commencent à trembler et il me dit : « Non, le père Noël ne peut pas aller là où se trouve ma sœur maintenant. C’est à maman que je dois la donner pour qu’elle la lui rapporte ». Il avait une petite voix en me répondant ça. D’ailleurs, il continue :  » Ma petite sœur est partie rejoindre le bon Dieu. Mon papa dit que maman aussi va partir rejoindre ma petite sœur pour qu’elle ne se sente plus seule… Ma sœur pleure toujours quand elle est toute seule ». Quand j’ai entendu cette phrase, j’ai senti un frisson me parcourir le corps et mon cœur a raté un battement. Il lève ces beaux yeux plein de larmes vers moi et me confie  » J’ai demandé à mon papa si maman pouvait rester le temps que je lui donne la poupée… il attend que je revienne du magasin. J’ai pris une photo avec le Père Noël, j’ai envie de la donner aussi à maman pour qu’elle ne m’oublie pas et pour qu’elle se souvienne de moi. Je suis triste que ma petite sœur soit partie et ma maman aussi part. Papa dit qu’elle n’a pas le choix et qu’il faut que quelqu’un prenne soin de ma petite sœur ». Je me penche vers lui et lui dis  » Et si on recomptait ces sous pour voir si tu ne t’es pas trompé en calculant ». Il s’empresse de sortir quelques pièces et billets roulés en boule de ses poches, j’en profite pour glisser une liasse de billets et on recompte : le compte est bon.

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Les yeux du garçon pétille comme jamais, il est fou de joie car non seulement il pourra acheter la poupée pour sa petite sœur mais également une rose blanche pour sa maman car ce sont ses fleurs préférées. Sa tante le rejoint à ce moment-là et je m’éloigne discrètement pour finir mes courses. Sur le chemin du retour, je me rappelle avoir lu il y a de cela quelques jours un article parlant d’un accident de la circulation. Un camion aurait brûlé le feu et percuté de plein fouet une voiture transportant une mère et sa fille de 3 ans. La fillette serait morte sur le coup tandis que la mère serait en coma profond. Je me demande, pendant un court instant, si il ne s’agit pas de la famille de ce garçonnet… après tout le village où j’habite n’est pas si grand que ça.

Quelques jours plus tard, j’aperçois dans le journal un entrefilet annonçant la mort de la mère et donnant des détails sur le lieu des obsèques. Le lendemain, je me réveille toute chamboulée, c’est Noël et quelque part dans la ville, un père et son fils enterrent femme et mère. Je me rends au funérarium, la salle est vide mais dans le cercueil repose une belle femme très jeune (trop). Entre ses mains est glissée une belle poupée et une photo. Sur sa poitrine repose une rose blanche. Je suis triste pour elle, pour sa fille, pour cette famille et pour cette période de fête qui deviendra aussi pesante pour eux. Je repars chez le fleuriste le plus proche et j’achète un magnifique bouquet de roses blanches puis je me re-glisse une dernière fois dans le funérarium pour y déposer les fleurs.

En rentrant dans le magasin de jouets ce jour-là, je n’imaginais pas à quel point ma vision de la vie allait changer ! »